L'homme amoureux s'inspire de la beauté du papillon s'approchant d'une fleur pour faire sa demande en mariage.
Ma bien aimée,
Je vous ai rêvée habillée de feuilles de miel, d’une robe déclinant en dentelles les nuances qui vont de la terre fumée au ciel brûlant. En lisière des tissus, les brins tombants, bruns et doucereux, avaient fait filet, si bien qu’à votre premier pas de valse, vous tournoyant, moi en suspens, je me suis retrouvé prisonnier de votre toile de sève, alliage de la vie des grands bois et du nectar des abeilles.
Ronde se faisant, je venais à vous par une influence me dominant et me désœuvrant devant l’espoir fondé de résister jusqu’à la prochaine floraison. J’avais entrevu les pétales de la saison, je les savais courbes et soyeux, profonds d’inspiration, s’enveloppant les uns les autres, et quant à leur beauté, l’on m’avait prédit l’insoutenable.
Si bien que lorsque vous m’avez bandé les yeux d’un ruban de miel cristallisé, pour vous assurer que mon amour pour vous était vierge de votre charme, j’y ai vu une forme de destin qui venait à mon secours. Car, privé de la vue, vous m’avez laissé au seuil de vous-même, me confiant une vie pour franchir ce dernier, libre de seuls battements d’ailes pour vous approcher et vous découvrir.
Alors, je vous ai devinée. Et ce fut magnifique.
Comme dans mes rêves où j’aurais pu toucher votre visage du doigt, je dépose désormais chaque matin mes écrits sur les reliefs de votre âme, comme des serpentins cousus d’or qui suivraient vos cheveux pour se reposer sur vos épaules. Et, à chaque fois, vous me répondez par une nuée de perles d’eau sucrée dont je ne sais si elle advient de votre propre rosée ou de l’éveil matinal de la Nature.
Mais de cet essaim distribuant la beauté en tout point de l’espace, il me semble ne pas en être étranger, car se détache de mon duvet dorsal de minuscules gouttes de fraicheur qui viennent parachever le réseau d’étoiles, comme un lit de portance qui me tient en altitude, si bien que l’on ne peut plus identifier ce qui est de vous, et ce qui est de moi.
Comme au sein de mes souvenirs qui reviennent à la jeunesse du présent dès lors que votre voix en est le ferment, je vais désormais dans les vents qui filent entre les branches chercher poésie et enchantement. Non loin d’ici, un champ de cerisiers alignés colore les allées de blanc et de rose, il y a peu à attendre pour que la caresse du temps fasse ouvrage et vrille les couleurs vers un rouge passionné, qui fera conclusion aux bourgeons en mal d’amour.
Mais pour l’heure, en tête de régiment, l’un d’entre eux semble avoir pris le large pour affronter le vent de toutes parts. Il a le corps puissant, et son arborescence, se déployant vers le ciel comme vers l’horizon, cache de multiples vertus. Elle donne des cordes au souffle qui s’y engouffre. J’entends des bruissements finissant en harmonie, et il me semble bien percevoir votre voix qui me porte à nouveau. De surcroit, par des formes qui s’en approchent, elle confère à ses extrémités, la compétence à recevoir les éclairs des cieux en furie.
Héritant d’énergies, tantôt si délicates, tantôt si puissantes, il y a lieu de croire que ses fruits seront gorgés d’autant de tendresse que de folie, mais y a-t-il une vie en dehors cette dualité ? Bientôt, lorsque les cerises pourront devenir offrandes, je détacherai deux d’entre elles, en préservant le cordon qui les lie, et je viendrai, effleurant votre visage, les poser à hauteur de vos yeux, comme pendants d’oreille, comme l’on dit son inclinaison à celle que l’on aime.
Car, je vous aime.
Avec vous, papillons et pétales se confondent, et il me semble bien être né de votre magie. Un jour, un ange bienveillant a dû vouloir décorer votre fleur en y accrochant des cerises tombantes, et deux pétales ont dû doucement se décrocher, puis voleter sur quelques ondes, avant de se rejoindre et de s’unir à nouveau donnant vie à ce qui allait devenir un papillon. Je comprends aujourd’hui que je n’étais pas en vie avant que vous soyez en moi.
Ainsi, de m’avoir bandé les yeux n’aura donc eu d’autre effet que d’enrober nos esprits l’un à l’autre, par un imaginaire qui n’avait jamais autant parlé jusqu’alors. La rareté des regards et l’éloignement de nos mains n’auront pas brisé le fil de soie sur lequel nos sentiments sont passés de l’un à l’autre. Il m’a même semblé que chacun de nous deux l’avait attaché au cœur pour qu’un jour une greffe puisse avoir lieu.
Car, me faudra-t-il, un jour, faire face à un bataillon qui viendra me bander les yeux à son tour ? Et cette fois-ci, il s’agira de ficeler mon corps à l’arbre le plus viril et le plus silencieux pour que l’écho de ma dernière pensée soit le moins audible. Alors, en telle fin, le fil tissé entre nous vous livrerait un cœur à tout jamais battant d’amour pour la femme inespérée que vous êtes pour lui.
Mais aucun arbre ne permettra que telle sentence me soit infligée, ne serait-ce qu’au motif qu’aucune force naturelle n’agira contre un sentiment qui vous est écrit. Car, chaque jour, l’un d’entre eux germe en moi.
Ma bien aimée,
Je ne peux vous offrir que moi-même, mes rêves, et mon attention de chaque instant à ce que votre fleur demeure le sourire de vous-même, il nous suffira de coudre nos vies d’une aiguille d’artiste, et de l’associer au fil d’affection qui nous lie depuis tant de mois. J’ai confiance à ce que bien des points de couture se feront d’eux-mêmes, et pour les zones où les tissus seront plus épais, j’ai bon espoir à ce que notre patience fasse que l’aiguille trouve quand-même son chemin. Et les sentiments vivront. Car là ou l’aiguille passe, le fil passe aussi.
Par cette lettre, j’exprime, en pleine conscience et responsabilité, la profondeur de mes sentiments pour une femme que j’attendrai toute ma vie.
J’ai l’immense honneur de vous demander votre main.
« Le papillon est une fleur qui vole, la fleur, un papillon fixe ».
L’homme devient papillon, la femme devient fleur, sublimée, magnifiée, telle une toile impressionniste dont, seuls, les peintres ont le secret…
Et, au creux de l’un et de l’autre...des sentiments cueillis, accueillis, déposés délicatement pour ne former plus...qu’un...seul...cœur...qui fusionnera dans la profondeur des âmes et dans la continuité de la vie…
Ode à la femme…
Merci Élie pour ce si beau texte….qui pourrait ressembler à la description d’une peinture d’Auguste Renoir….
Elisabeth.